vendredi 23 juin 2017

« On ne sait jamais ce que notre malchance nous a épargné de pire » — Cormac McCarthy




 But I don't think I'll cry.
Dans trois heures, le Lion arrive. Non, pas d'autre amant depuis la dernière fois. Même si la dernière fois, je ne m'en rappelle pas. Si je me rappelais de tout ce que mon inconscient trafique je ne serais pas là. Quoi que, par mégalomanie, peut-être. Une chance sur deux, ça dépend qui écrit.
Dans trois heures.  Et moi je suis une épave enfumée sur le canapé qui se retrouve dans le silence après avoir scotché sur le film Clairvoyance.  Sympa mais j'aime pas la fin. T'emballe pas je dis rien. Je sais que tu t'en fous, mais c'est au cas où.
Dans trois heures et c'est le bordel. Ça veut un jour sur quatre qu'il tombe amoureux et lorsqu'il débarque, on le snobe, on lui tourne le dos dans le lit, on le frustre. Alors cette fois faudrait un peu se bouger. Même si à mon avis, c'est pas lui. J'me demande même si mon élu existe, je me demande si c'est pas qu'un grand tas de conneries. Un grand tas de plus.
Dans trois heures, donc on se lève, on fout la musique a fond et on attaque l'opération séduction parce que dans tous les cas, en vampire qui se respecte il doit devenir fou de moi ou tout ça ne sert à rien. Pas que ça serve à grand chose, si ce n'est mettre un espoir dans un désir d'espoir en espérant l'inespéré.
Dans trois heures. A faire, vaisselle, prendre une douche, changer la litière, faire brûler de l'encens purificateur, un peu de sauge ensorcelante. Déposer quelques gouttes d'huile essentielle de gingembre sur le coussin gauche du canapé, puis le droit. ainsi qu'entre les oreillers de mon lit. Quelques gouttes de mon parfum près de l'entrée, dans mes draps, créer un nuage, m'en imprégner.
Dans trois heures, et j'ai envie de dormir. Dormir ou séduire, il faut choisir. Mais j'suis blasée ces derniers temps, et lorsque j'en parle, oui maintenant je parle aux gens, un peu. Lorsque je parle de ma solitude, lorsque je sous-entends ma profonde peine inexpliquée, personne ne comprends. "Tout marche pour toi, tu gères, regarde comme ta vie est chouette". Balivernes. Je ne gère ma vie professionnelle uniquement parce que je suis tombée amoureuse d'un magasin de chaussures, que j'excelle dans leur vente. La vente de chaussures est mon nouveau mec, c'est tout. Sauf que c'est une histoire qui marche, pas comme toutes les autres. Cet espoir de boulot, c'est la seule chose que je possède. Avec un peu de famille, de superbes amis et des chats magnifiques. Alors à première vue c'est sûr, comment me comprendriez-vous? Moi-même je n'en sais rien. J'en veux plus, et puis merde.




Et encore une fois le hasard a une longueur d'avance. Pas pour rien que ça me gratte les coudes depuis des semaines.
Dans trois heures. Alors j'ai commencé par lancer Rude Face de  Red Butterfly. Mais connexion pourrie, alors en faisant la vaisselle j'me suis mise à chanter La ballade de Jim version Izia. Puis Le monde est Stone. J'me suis rendue compte que j'étais mourante, ça m'a réveillé. Alors je me suis mise à chanter mes propres paroles. Et dans une éclaboussure bouillante, je suis revenue. Complexe du Phoenix. J'me rappelle plus du déclic, mais c'était tout simplement le moment, là tout de suite, j'avais une porte à ouvrir, il fallait que j'écrive.
Depuis 8 jours, je rêve que je suis amoureuse. Anciens amours, anciens plans cul, hommes inventés, même un cheval. Dans mes rêves mes sentiments sont si forts, si purs, que je les veux dans ma réalité. J'en ai besoin comme un camé réclame sa dose. Je suis droguée à l'amour, et mes mains commencent à trembler. Aucun médicament ne suffirait, peut-être une perche. Oui, une perche, ça marche toujours. Mais c'est éphémère, et je suis immortelle. "C'est vrai que j'garde trop souvent les choses en moi, j'passe ma vie à penser et j'dis pas toujours ce que j'aimerais dire ou même crier. Mon silence en dit toujours long et mes crises de folie en disent souvent trop."

J'voudrais me bourrer la gueule au bar et ramener un p'tit cul dans la Unicorn-cave. Mais c'est la mauvaise semaine du mois, et en plus le Lion va débarquer. Mauvais timing. J'sais pas comment gérer la crise, elle n'est pas réelle. J'arrive plus du tout à gérer l'irréel, j'suis trop entière dans la réalité. Fait chier. Sheitan tanne ma schizophrénie avec une bonne excuse, l'enfoiré d'amour. Évidement que je l'aime encore, c'est mon ex mari, dans ma tête. J'voudrais que quelqu'un s'y intéresse. Mégalomania infernale? Pas tant que ça, si? J'en sais rien. J'ai l'impression que je vaux le coup d'essayer.
J'devrais me bourrer la gueule au bar avant de ramener le petit lion dans la Unicorn-cave. Mais j'ai pas un rond. Il me reste 20 centimes. Comment faire? Dépression. Un chèque en bois? J'en suis à trois déjà cette semaine. Puis ils prendront pas mon chèque ces bâtards, c'est sûr.
Non Sheitan je ne vais manipuler personne. Et d'ailleurs pourquoi je te réponds? Parce que tu es le seul qui pourrait satisfaire mes désirs ce soir? Va te faire avec tes "carpe diem". Vraiment, un sms et dans une heure je suis saoule? Arg', cesse donc de me tenter Belzébuth, avec tes vices délicieux qui me manquent tant. Sms envoyé. JE SUIS CINGLEE. Rien n'est fait, nous verrons qui de toi ou de la Lumière l'emportera ce soir. Dans tous les cas, considère toi en sex-friend Sheitan, dès que j'aurais partagé cet instant avec toi, je retournerai vers mon véritable amour, l'Equilibre. Sois ma maîtresse ce soir, et je sacrifierai mon foie. Je le regrette déjà. De toutes façons, que voulez-vous que je fasse? Que je reste là a attendre seule et débraillée sur mon canapé alors que je suis en week-end, que j'ai soif de vodka et de chair? J'vais aller prendre une douche, mettre une mini jupe, la violette. Du rouge à lèvre sanglant comme mes ongles. Sanglant comme mon palpitant tatam tatam tatam m'entends-tu venir? Que la porte de la débauche s'entrouvre et tu me verras la franchir avec un large sourire et l’œil vif, à la recherche de proies à séduire, pour un verre ou une autre nuit. Ce soir j'ai besoin d'une pause, trop sérieuse ces derniers mois, je me déséquilibre.



Tu es belle et moi la bête, et la belle n'est jamais sage... Quand tu diras que c'est ma faute, que je n'ai jamais su t'aimer, au Diable toi et tes apôtres, je m'en vais.


C'est parti. Et s'il n'y a pas de porte, je marcherai à travers l'ivresse de la foule, écouteurs collés aux tympans, dans cette nuit trop sombre que je vais inonder de mon étrange lumière.
Mais,
 Il y a toujours une porte.



- On y va chérie?
- On est déjà parties.