Pourquoi est-ce qu'une fois seule j'ai l'impression d'être saine d'esprit? Ma folie est-elle simple conséquence de l'existence d'un monde en dehors de mon crâne? N'est-ce pas le comble de l'égocentrisme? Une boule de stress rode sous mes côtes depuis que je m'suis levée. Cette nuit j'ai rêvé que quelqu'un m'ouvrait la tête pour y manger. Détrompez-vous c'était très agréable, ça chatouillait un peu. Comme des papillons entre deux hémisphères.
Mais si c'était si plaisant, pourquoi ce stress? Et bien, je pense que l'analyse est relativement simple. Les papillons étant probablement ce bonheur inaccessible qui m'obsède, ma cervelle meurtrie par des coups de fourchette témoignant des dégâts collatéraux non négligeables.
Mais il est parti travailler et cette analyse dissout l'angoisse, la rendant trop réelle pour avoir de l'importance dans ma logique. Une nuit d'attente encore avant de respirer un avant goût de ce week-end de débauche bien mérité (ou pas mais je n'en ai sincèrement rien à carrer, étant donné que mon seul but est de détruire l'oppression).
je flotte dans mon pantalon. Et dire que les jours à venir vont tirer les restes graisseux de mon corps jusqu'à faire ressortir les os comme s'ils voulaient traverser ma peau... Jolie nouvelle.
Fermer les yeux, sentir la présence de l'ennemi, le frapper dans le vide, planter la lame de mon couteau invisible entre ses côtes, surprendre ses alliés dans la foulée, faire diversion en feintant la chute, rouler dans l'herbe...
Lorsque j'ouvre mes yeux, il n'y a plus de danger, seulement un ciel rempli d'étoiles. La ville est déserte et silencieuse, peut-être grâce aux écouteurs plantés dans mes oreilles. Alors que je me relève dans l'ordre recommandé par mon coach sportif, la lumière rouge des feux éclaire la scène de crime imaginaire, créant une sorte de constellation sanglante.
On déroule les épaules, et on inspire profondément.
Vous avez bien transpiré, vous pouvez rentrer chez vous.
"Il marcha lentement dans les rues, avec prudence, s'éloignant vers la Seine où ses pas le conduisaient toujours en cas de secousse. C'est en ces moments qu'Adamsberg, presque inaccessible à l'anxiété ou à toute émotion vive, se tendait comme une corde, serrant les poings, s'efforçant de saisir ce qu'il avait vu sans le voir, ou pensé sans le penser. Il n'y avait pas de méthode pour parvenir à dégager cette perle du monceau informe que lui présentaient ses pensées. Il savait seulement qu'il lui fallait faire vite, puisque tel était son esprit que tout y sombrait. Parfois il l’avait attrapée en demeurant totalement immobile, attendant que la fluette image remonte en vacillant à la surface, parfois en marchant, remuant le désordre de ses souvenirs, parfois en dormant, laissant agir les lois de la pesanteur, et il redoutait, s'il choisissait à l'avance une stratégie théorique, de manquer sa proie."